Street food, élémént du patrimoine thaïlandais

Le visiteur qui pose le pied sur le sol thaïlandais pour la première fois, est assailli par les odeurs. Parfums d’une cuisine aux mille saveurs, mêlés aux effluves de gas-oil sous une chaleur étouffante à Bangkok. Parfums moins agressifs dans tout le pays, sur les marchés de nuit ou dans les petites échoppes installées le long des rues et des routes.

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Un couple de marchands ambulants dans le golfe de Thaïlande

La street food, une tradition bien ancrée

Si, en France, la street food devient un phénomène (de mode?), en Asie elle est une tradition. Très ancrée dans la vie locale en Thaïlande et au Vietnam, elle est avant tout un mode de vie.

En Occident, nous prenons trois repas par jour, à heures plus ou moins fixes  quand les Asiatiques peuvent manger jusqu’à cinq fois. Plutôt que des repas, ils prennent des collations à toute heure du jour et de la nuit.

Plusieurs raisons expliquent cette tradition

Les habitations traditionnelles sont petites, parfois sans cuisine ou avec une cuisine très rudimentaire, comme sur la photo ci-dessous.

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Janvier à Chiang Rai, le petit chat se réchauffe sur la « cuisinière »

Les gens sortent de chez eux  et c’est aussi pour eux l’occasion de partager un plat avec des proches.

Les prix sont attractifs car rien ne se jette. Il n’y a pas de gaspillage!

Les petites échoppes proposent des services en prime. Possibilité de:

  • déguster sur place
  • emporter son repas
  • se faire livrer

Une cuisine diététique et savoureuse. On déguste de tout dans la rue, des soupes aux desserts en passant par les fameux plats de nouilles sautées. N’écoutez pas les esprits chagrins qui vous prédisent une intoxication alimentaire! Vous avez moins de risque d’être malade en consommant la street food qu’en fréquentant les buffets de certains hôtels convertis en usines à touristes.

Si vous voulez vraiment voir ce qu’est la street food, rendez vous à  Yaorawat dans Chinatown, le quartier chinois de Bangkok. Vous serez étonné par les longues files d’attente qui encombrent le trottoirs devant les stands de nourriture.

La street food menacée à Bangkok

Bangkok est la ville la plus visitée au monde avec 21,47 millions de touristes en 2016 et CNN a classé la capitale, la meilleure ville au monde de la street food pour la deuxième année consécutive. Le tourisme quant à lui, génère environ 15% du PIB.

La junte militaire au pouvoir depuis 2014 a décidé de « nettoyer » Bangkok et de rendre ses trottoirs aux piétons et aux touristes. Pour ce faire, elle met en avant l’hygiène indispensable à la vente de nourriture. Les militaires veulent aussi redonner leur lustre aux grandes avenues.

Peut-on seulement imaginer Yaowarat sans ses marchands ambulants? Chinatown ne serait plus Chinatown.

Plusieurs quartiers du centre ont changé de visage au cours de l’année 2016. L’exemple le plus frappant est celui du Soi 38 de Sukhumvit où un important marché existait depuis 40 ans. Festival de couleurs et d’odeurs, ce Soi était le rendez-vous des gourmets qui se pressaient devant les stands des marchands ambulants. A la mort du propriétaire du terrain, ses héritiers l’ont vendu à un promoteur immobilier qui a construit un condo de luxe.

La disparition du Soi 38, bien que guidée par l’appétit financier, n’est pas unique. L’Administration a expulsé près de 15 000 vendeurs de 39 zones publiques de la ville. Les vendeurs du Soi 1 de Sukhumvit jusqu’à Bang Na ont été sommés de quitter les lieux. Idem pour le marché de nuit d’On Nut, le marché de Saphan Lek dans la vieille ville, le marché Khlong Thom dans Chinatown et les vendeurs ambulants le long des rues Siam, Silom et Sathorn.

Un autre site emblématique a totalement perdu son âme: Pak Khlong Talad, connu sous le nom de marché aux fleurs, en bordure du Chao Phraya. Les autorités n’ont rien trouvé de mieux que de transformer l’un de ses entrepôts en centre commercial aseptisé avec boutiques, restaurants, cafés. Résultat, les touristes sont déçus. Ils s’attendent à voir des fleurs exotiques, des stands de nouilles, la vie grouillante qui fait le charme des marchés asiatiques et ils se retrouvent avec ce qu’ils ont déjà chez eux.

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Pak Khlong Talad avant

Une crise économique et moins de diversité

La volonté de la junte militaire est de vanter le « bonheur » et « l’hygiène » d’un pays connu surtout pour son économie grise, sa corruption et son tourisme sexuel. Mais cette décision a provoqué la colère des vendeurs qui perdent leur source de revenus et des touristes qui trouvaient pratique de pouvoir se restaurer à moindre frais un peu partout dans la ville.

L’enjeu d’une telle décision est donc économique pour les marchands ambulants eux-mêmes, contraints de trouver un autre endroit, parfois contre un loyer et touristique car la street food fait partie du charme de Bangkok. D’ailleurs, certains éditeurs de guides touristiques ont vivement réagi. Sur Twitter, certains abonnés regrettent la disparition de ce qui faisait la magie de la capitale thaïlandaise. Devant la pression médiatique, l’Administration de Bangkok a fait machine arrière et déclaré que la street food sera « préservée dans les lieux fréquentés par les touristes. » Le général Prayuth Chan-ocha, chef de la junte militaire et Premier Ministre, soucieux de limiter la crise, a ajouté que la street food de Bangkok est « unique » et constitue « l’un des charmes de la ville ».

Certains pensent également que débarrasser les trottoirs des stands de nourriture fera perdre à Bangkok un élément essentiel du vivre ensemble thaïlandais: le brassage socio-culturel. Tous les milieux se côtoient et pour les touristes c’est l’occasion de découvrir la vie thaïlandaise en se mêlant à la population. Piyalak Nakayodhin, auteur d’un livre sur la street food thaïlandaise commente: « Je suis totalement contre cette décision séparant zones touristiques et autres quartiers. Il faut aussi s’occuper des Thaïlandais eux-mêmes, les touristes recherchent des expériences locales, ils ne sont pas intéressés par des endroits spécialement organisés pour eux. »

La street food récompensée par le guide Michelin

Lors du lancement de son premier guide sur Bangkok, Michelin a décerné une étoile à Jay Fai, 72 ans, célèbre pour son omelette au crabe mais aussi ses nouilles aux crevettes ou au crabe, cuites au feu de bois et ses currys.

Chawadeee Nualkhair, blogueur habitant Bangkok a réagi à l’annonce de cette récompense: « Jay Fai est comme la reine de la nourriture de rue thaïlandaise. Elle aurait pu faire n’importe quoi avec sa notoriété : des restaurants en chaîne, des restaurants de rue, un endroit secondaire chic, mais elle ne l’a pas fait. Elle est restée à son shophouse en plein air avec deux woks. Je suis content qu’elle ait enfin une reconnaissance. » Mais la notoriété a un prix : environ 20€ pour son omelette de crabe! Comptez entre 200 et 800 THB pour vous restaurer. Adresse: 327 Samran Rat Intersection, Phra Nakhon, à proximité du Wat Saket (Golden Mountain) et de la balançoire géante (Giant Swing), ouvert de 13.30H à 1.30H.

http://therestaurantfairy.com/2013/12/02/raan-jai-fai-bangkok-thailand/

Jay Fai
Jay Fai devant ses woks

Quelques adresses de street food:

https://www.thailande-fr.com/bangkok/38095-10-lieux-street-food-a-bangkok

Quelques livres:

bangkok street food

La nourriture est partout en Thaïlande, elle fait partie du tissu social et il serait vraiment dommage de voir disparaître la street food de certaines rues de la capitale thaïlandaise. Si tant de touristes viennent en masse chaque année à Bangkok, ce n’est pas seulement pour visiter ses temples. C’est aussi pour (re)trouver une atmosphère unique au monde. La junte devrait y réfléchir avant de poursuivre son oeuvre de nettoyage. Espérons que la première étoile du Michelin décernée à la cuisine de rue permettra de préserver cette part importante du patrimoine thaïlandais.

Sources:

blog.france-asia.com, Le Monde du 19.04.2017, Libération du 02.06.2017, The Guardian du 06.12.2017, Lepetitjournal.com Bangkok

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