Chemises jaunes contre chemises rouges
Mai 2010, j’entre dans le bureau de mon patron pour lui dire au revoir avant mon départ en vacances.
– Vous repartez en Thaïlande? me demande-t-il.
A quoi je réponds que oui, je fais même mine d’être étonnée par sa question. Il est à deux doigts de me prendre pour une folle ou une inconsciente. Les journaux télévisés ne parlent que des émeutes qui secouent Bangkok. Le mouvement monarchiste « les chemises jaunes », issu des classes aisées, soutient le roi (le jaune est sa couleur) tandis que « les chemises rouges », mouvement initié par l’ancien premier ministre Thaksin, évincé du pouvoir en 2006, réclame la démission du gouvernement et la dissolution du Parlement.

Bien que milliardaire, Thaksin est aimé du peuple en partie pour avoir permis à chaque citoyen un accès au téléphone cellulaire. Un de mes amis me disait un jour en plaisantant à moitié que s’il avait pu donner des portables aux vaches, il l’aurait fait.
J’ai réservé mon billet d’avion avant les affrontements et il faudrait que le vol soit annulé pour m’empêcher de partir. Je ne suis pas dupe, je sais très bien que le prisme des médias amplifie les événements. Je suis passée à travers le SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) en 2003 et à mon arrivée à Bangkok, je prendrai aussitôt un avion pour Chiang Rai, dans le Nord, où m’attendent mes amis Jean et Nong, un couple franco-thaï. Le vol dure une heure, nous survolons des montagnes couvertes d’une végétation dense et à l’approche de Chiang Rai, j’essaie de me repérer, le nez collé au hublot. Je suis déjà venue ici en janvier 2003, dans la famille de Nong. Le seul truc que je vois clairement est le Big C. A la sortie de l’avion, je suis happée par la chaleur moite qui enveloppe le Nord à cette saison. Nous sommes le 25 mai.
Le Mekong, un fleuve mythique
Un matin un peu gris, alors que la chaleur nous donne l’impression d’être dans une étuve, Jean nous propose d’aller au Triangle d’Or, ce fameux point à l’extrême nord de la Thaïlande où trois pays se rejoignent (Laos, Birmanie, Thaïlande). Nous voilà partis sur la route que je connais déjà pour l’avoir empruntée quelques années auparavant dans un bus bringuebalant. Cette fois, la clim de la voiture me permet d’oublier la chaleur et d’admirer à loisir le paysage. Nous longeons des champs de tabac avec en toile de fond la montagne dont le vert sombre se dilue dans la brume. Nous sommes ralentis plusieurs fois par les inévitables barrages routiers. La police fait la chasse aux trafiquants de drogue mais je doute qu’ils empruntent des chemins balisés!

Chiang Saen et ses remparts
Notre première halte a lieu à Chiang Saen, une petite ville pleine de charme dont je n’avais jamais entendu parler. Elle se situe au bord du Mekong, en face de la ville laotienne de Ton Pheung, et accueille d’énormes barges chargées d’une multitude de produits en provenance de Chine. La ville aux airs de provinciale endormie n’a été rattachée au Siam qu’en 1880. Nous nous arrêtons pour visiter les vestiges d’un ancien temple dont la construction aurait eu lieu entre le XIIème et le XIVème siècles. Les archéologues ne sont pas plus précis.
Nous reprenons ensuite la route et je n’oublierai jamais l’émotion qui m’a saisie lorsque j’ai vu le Mekong pour la première fois. A cet endroit, le fleuve chargé d’alluvions est bas et semble couler paresseusement. Long de 4350 km, il prend sa source en Chine, à plus de 5000 mètres d’altitude, et traverse la région du Tibet et six pays (Chine, Birmanie, Thaïlande, Laos, Cambodge, Vietnam) avant de se jeter en mer de Chine méridionale.
Nous faisons une nouvelle halte, pour nous restaurer cette fois. Le restaurant est presque vide, nous sommes en basse saison. Nous ne pouvons malheureusement pas profiter de la terrasse, il pleut, le ciel est bas mais qu’importe nous sommes au bord du Mekong.
Le Triangle d’Or
Ensuite, nous prenons la direction du Triangle d’Or, tandis que les nuages se dispersent pour laisser la place au soleil, comme un signe de bienvenue.
Nous partons pour le Laos dans une de ces petites embarcations équipées d’un moteur puissant. Il faut bien ça pour contrer le courant du fleuve dont les flots impétueux chargés d’alluvions lui donnent sa teinte ocre-brun. D’ailleurs, au retour, le pilote est obligé de dépasser l’embarcadère bien en amont avant de ralentir son moteur et de venir accoster.


Don Xao Lao, une île sur le fleuve
Nous touchons terre sur une île laotienne au milieu du fleuve. L’arrivée est épique mais je n’ai pas pris de photo, trop occupée à grimper le talus rendu boueux par la récente averse. Bon, ce n’est pas le Laos authentique, juste un petit bout de terre destiné aux touristes qui viennent de Thaïlande. Il faut dire qu’on ne rentre pas comme ça au Laos. Ainsi, seuls les habitants de Ton Pheung sont autorisés à passer la frontière à Chiang Saen.


Pour en savoir plus sur le Mekong, je vous conseille l’excellent documentaire de France 5
« Secrets du Grand Mekong – Dans le potager du monde »
Si vous aussi, vous avez traversé le Mekong, racontez-nous votre expérience dans les commentaires ci-dessous.
3 réflexions sur “Traversée du Mekong”